Il est là, j’en suis sûre. Il est chez moi.
J’entends ses pas, son souffle, mais je ne le vois pas. Tout n’est qu’une question de temps.
Il veut me tuer. Comme il a tué les autres. Vingt coups de couteau selon les journaux.
Je cherche des yeux un endroit où me cacher. Sauf que c’est tout petit chez moi. Petit et étroit.
Mais s’il arrive bien à se dissimuler dans mon 18 mètres carrés, je le peux moi aussi. Je ne dois pas être plus grosse que lui. Au contraire.
Je pourrais me cacher dans les placards. Sortir la vaisselle. Non.
Je pourrais me cacher dans l’armoire. Faire tomber les étagères sous mon pois. Non.
Je pourrais me cacher dans la douche. Baie vitrée. Non.
Et lui, où est-il ? Je l’entends mais je ne le vois pas. Comment fait-il ?
A moins que ce ne soit moi qui devienne folle dans cette cage à poules qui sert de chez-moi.
Mais alors, les autres meurtres ? Je ne les ai pas inventés ! Il y a bien un tueur qui rôde dans les environs !
Et qui aurait ouvert ma porte ?
Non, c’est lui ! J’en suis sûre ! Je ne suis pas folle !
Il attend juste le bon moment pour frapper.
Je ne le laisserais pas faire !
Je peux sortir, fuir, je peux…
La clef a disparu de la porte !
Je tente de l’ouvrir mais elle est verrouillée.
Il m’a enfermée ! Au secours !
Oui, au secours ! Il faut appeler les secours !
Mais mon téléphone a disparu ! Je suis prise au piège ! Il n’y a plus aucune issue !
Si ! La fenêtre !
Je me précipite vers la fenêtre, mais il l’a aussi volée !
Je lui hurle « Tu ne m’auras pas ! », pour éviter de céder à la panique, mais la vérité c’est que je suis déjà en train de paniquer.
Je sors une casserole de mon placard et l’empoigne solidement, prête à me défendre.
Je le provoque, comme si brandir un ustensile de cuisine me rendait invincible, je fouille partout. Mais il se cache terriblement bien.
Non. Il ne se cache pas.
Je l’entends marcher.
Je me colle dans un coin, pour éviter de me faire surprendre par derrière, et tends la casserole devant moi. J’attends. Il finira bien par se montrer et là, je frapperais de toutes mes forces.
Et s’il est plus rapide ?
Et s’il est plus fort ?
Et s’il n’est pas humain ?
Je tente d’inspirer un grand coup pour me calmer, mais plus j’attends et plus mes doutes s’amplifient.
Je m’accroupis contre le mur et essuie mes larmes. J’ai peur, je suis terrifiée. Je ne veux pas qu’il me tue !
Pourquoi moi ?
Pourquoi il attend autant comme ça ?
S’il continue, ce sera la peur qui me tuera !
« Montre-toi espèce de lâche !»
Hurler semble me redonner du courage, de la force, alors je continue de l’insulter, de le provoquer.
« Sadique ! »
Oui, c’est un sadique. Il n’essaye pas seulement de m’assassiner. Il veut me terroriser, me briser. Il veut que je le supplie de me tuer pour arrêter de subir cette peur qui me tétanise.
Il veut que je m’offre à lui et à sa lame.
Eh bien il ne m’aura pas ! Non ! Il me reste une échappatoire ! Oui, une seule et unique chance de le contrer !
Je me lève rapidement et me précipite dans le petit coin cuisine de mon studio. Il faut que je me dépêche avant qu’il comprenne ce que je suis en train de faire !
Je pose ma casserole et prends le couteau le plus gros que je possède. Sans aucune hésitation, la lame s’enfonce dans mon ventre.
Une fois.
Je la retire, prise d’un rire nerveux, et la replante.
Deux fois.
« Tu vois, tu ne m’auras pas »
Trois fois.
« Tu ne m’auras jamais ! »
Quatre fois.
« Jamais !! »
Cinq fois.
Le mouvement de la lame est une délivrance, il en devient presque érotique, et le soulagement atténue ma douleur, la transforme, tandis que j’enchaine les coups.
Six, sept, huit, neuf, dix.
Je suis toujours consciente, c’est encore trop lent à mon goût.
Onze, douze, treize, quatorze, quinze.
Plus vite ! Il pourrait essayer de m’achever ! De m’avoir quand même ! Plus vite !
Seize.
Plus vite !
Dix-sept.
Plus vite !
Dix-huit.
Dix-neuf…
…
Vingt.